Traversées poétiques
Welcome to Tapajiuston
par Giulia Trobbiani
Ce poème d’Antonio Reyes Carrasco (Mexique) est extrait du recueil « Lxs perrxs del Soconusco », publié par Editorial Sophia et lu par Giulia Trobbiani (Italie).
Texto - español
Antonio Reyes Carrasco, Tuxtla, Mexico
Welcome to Tapajiuston
Se trata del recoveco
que va dejando la soledad,
corroe como sarro
de taza de baño de cantina.
Se trata de borrachos banqueteros
que pasan la noche en la cárcel,
Cartelera Malandraca rules:
Quijote was here, cabrones,
y no esperen mi regreso tan pronto.
Se trata de unos policías
que golpean a periodistas,
matan a periodistas,
violan a mujeres,
desaparecen a estudiantes.
Que queman piedra y cristal en lata
y en focos
en las pensiones de trailers
a un lado del puente
cerca del Hotel Loma Real.
Se trata de unos chavos rusheros
poetas grafiteros noctámbulos
en busca de un poco de luna diluida
en una planilla de LSD
a la orilla de la playa
de Puerto Madero o San Benito Bitch
pululando con el olor a esperanza podrida.
Porque acá la luna no se bebe a cucharadas:
se esnifa desde un espejo roto que refleja la locura
y los ojos desorbitados
de un ente fantasmagórico.
Se trata de un dj trabado en su beat.
Derrapa surfeando sobre una tabla Hoffman
y nadie lo escucha
pero todos fingen alcanzar un poco de cielo
o infierno,
cada quien su trip,
tratando de estirar el tiempo
hasta el amanecer.
Se trata de la hipocresía y la moralina barata
con los hermanos y hermanas migrantes,
se trata de la Bestia y las hermanas y hermanos
aferrados a su espalda tratando de no caerse
y llegar con vida a su destino final.
Se trata de imbéciles
que se indignan más por paredes rayadas,
por monumentos de la ignominia dañados,
por cristales quebrados,
por las x en los títulos de poemarios estalactitas de queroseno,
que por el hecho de que violen a mujeres y niñas,
que maten a mujeres y niñas,
que desaparezcan camaradas de lucha,
indígenas,
maestros,
los 43 de Ayotzinapan.
Acá no hay tesoros que desenterrar,
pero bien hubiera servido
un equipo rescue para hallar
más rápido
los 12 cuerpos de las morritas
violadas vejadas ultrajadas,
ellas solas bailando cerca de Las Huacas
visite su congal de preferencia,
hace ya algunos años
¿recuerdas, mi Perla del Soconusco?
cementerio clandestino
protegido por las autoridades
para cuando los asesinos lo requieran
¿recuerdan o se los recuerdo?
Se trata de encontrar hoyos negros
en cada vuelta de esquina,
de escarbar agujeros de gusano en el tedio
y silbar la melodía amniótica
que nos ayude a escapar y volar lejos
a un mejor lugar.
Súbele a la rola,
mira cómo vibran las bocinas de mi alma,
mira como la tarde se muere en las banquetas.
Lo siento mucho,
este no es un poema
para ligar o para meter en sus antologías
de Talleres Gráficos de Chiapas,
no soy mercancía empastada,
ni lamebotas de la aquiescencia.
Pero calma,
a veces la esperanza crece,
aunque esté dentro de un arcón
que haya que buscar
en el corazón mismo de la basura.
Se trata del primer letrero hipócrita
de bienvenida en la carretera:
¡Welcome to Tapajiuston hermanos,
hermanas:
come back soon
que ya los extrañamos!
TEXTE - français
Welcome to Tapajiuston
Il s’agit d’un recoin
où l’on jette sa solitude,
corrodé comme le tartre
sur la cuvette des chiottes de bar.
Où des ivrognes, des traîneurs de trottoirs
passent la nuit en prison,
où le cartel Malandraca règne en maître :
Quijote was here, bande de salauds,
et ne vous attendez pas à ce que je revienne de si tôt.
Ce sont ces policiers
qui frappent les journalistes,
tuent les journalistes,
violent les femmes,
font disparaître les étudiants.
Ceux qui brûlent la pierre et le verre dans des boîtes de conserve
et des ampoules
dans les terrains semés de caravanes
de l’autre côté du pont
près de l’hôtel Loma Real.
Ce sont ces gars qui vivent vite
poètes graffeurs noctambules
à la recherche d’une lune diluée
sur une feuille de LSD
qui pullulent sur les plages
de Puerto Madero ou de San Benito Bitch
et dégagent cette odeur d’espoir faisandé.
Parce qu’ici, la lune ne se boit pas à la petite cuillère :
elle se sniffe sur un miroir brisé qui reflète la folie
et les yeux exorbités
d’une entité fantasmagorique.
C’est un DJ ciselant son beat
à la dérive sur sa platine Hoffman
et que personne n’écoute
chacun faisant mine d’atteindre son petit bout de paradis
ou d’enfer,
chacun son trip,
pour tenter d’étirer le temps
jusqu’à l’aube.
C’est l’hypocrisie et de la morale discount
envers les frères et sœurs migrants,
il s’agit de la Bestia et des frères et sœurs
qui s’accrochent sur le dos du train pour ne pas tomber
et arriver vivants à leur destination finale.
Ce sont ces imbéciles plus scandalisés par des murs rayés,
des monuments de l’ignominie endommagés,
du verre brisé,
des X semés dans les titres des recueils de poèmes comme des stalactites de kérosène,
que par le fait qu’on viole des femmes et des filles,
qu’on tue des femmes et des filles,
qu’on fasse disparaître des compagnons d’armes,
des peuples indigènes,
des enseignants,
les 43 d’Ayotzinapan.
Ici, il n’y a aucun trésor à déterrer,
mais une équipe de secours n’aurait pas été de trop
pour exhumer
plus vite
les 12 corps des gamines
violées, maltraitées, outragées,
qui dansaient seules près de Las Huacas
visitez votre bordel préféré,
il y a de ça quelques années déjà
Tu te souviens, ma Perle du Soconusco ?
ce cimetière clandestin
protégé par les autorités
aux ordres des assassins
vous vous en souvenez ou faut-il que je vous rafraîchisse la mémoire ?
C’est se heurter à des trous noirs
à chaque coin de rue,
creuser comme des vers des galeries à travers l’ennui
et siffler la mélodie amniotique
qui nous aider à nous échapper et à voler loin
vers un lieu plus beau.
Suis le mouvement,
sens vibrer les enceintes de mon âme,
regarde comment l’après-midi se meurt sur les trottoirs.
Je suis vraiment désolé,
ce n’est pas un poème
pour draguer ou figurer dans les anthologies design
des petits ateliers d’édition du Chiapas,
Je ne suis pas une marchandise sous vide,
ni un lèche-bottes dressé pour acquiescer.
Mais pas de panique,
parfois l’espoir peut croître,
même dans les profondeurs d’un container
en fouillant
au cœur même des ordures.
C’est ce panneau
qui se dresse sournoisement sur la route
comme premier signe de bienvenue :
Welcome to Tapajiuston,
brothers and sisters :
come back soon
vous nous manquez déjà !