© Laura Bodenez
CHRONIQUES FAMILIALES
Un cuarto
par Mariela Laksman
Rue Malabia. Tout est devenu plus pesant, même s’asseoir sur une chaise est une tâche qui peut prendre des jours, des mois, des semaines, des années.
Une dame marche de la cuisine vers la table du salon, une tasse de thé, du sucre, des serviettes, remue, pose la cuillère sur la table en bois, le coup se fait entendre plus profondément et résonne, sec sur la table.
La dame se sent lourde, elle s’enfonce dans la chaise, s’enfonce si profondément que ses jambes se brisent, elle s’enfonce si profondément qu’elle se brûle, s’écrase, se fond avec la chaise, tombe par terre et se brise en morceaux qui n’en finissent plus de tomber, et se brisent à leur tour en d’autres morceaux, pulvérisés et soufflés par la fenêtre ouverte. Il pleut.
Rue Aguirre. L’horloge a cessé de fonctionner comme elle l’avait fait jusqu’alors, la façon de compter le temps m’a toujours semblé capricieuse, je ne comprenais pas bien comment ça fonctionnait ni pourquoi nous étions tous soumis à ce mode de calcul. Un salon, un fauteuil dépliant en cuir rouge, une fenêtre, un balcon, des rideaux avec des lettres et des feuilles brodées, un tapis vert avec des tigres à la gueule ouverte et des papillons en vol.
Parfois, la nuit, nous écoutions le passage du camion de poubelles et soudain, nous avons cessé de l’écouter parce que le temps passait à l’envers et qu’il nous était arrivé autre chose avant, qui nous empêchait de nous concentrer sur ce que nous faisions, à un moment donné, je ne me souviens plus lequel, je regardais par la fenêtre et il faisait jour et il pleuvait, comme j’aimais beaucoup la pluie, je me suis précipitée sur le balcon, en espérant que le passage du temps ne serait pas modifié, pour pouvoir me mouiller ; J’ai vu des gens marcher dans la rue avec des parapluies, des flaques d’eau, les plantes ruisselant de gouttes, le vent, le tonnerre, les éclairs, les bâtiments d’en face, les voisins qui regardaient dehors, les bus, les taxis, les voitures, le ciel gris et noir, j’ai regardé le carrefour et la rue qui en descendait.
Rue Frías. Derrière les rideaux il y a des vagues, une petite fenêtre, une horloge à coucou, une robe de chambre turquoise dans une pièce en désordre où l’on marche sur des choses, où on ne voit plus le sol, un grand meuble marron aux portes fermées, où est caché tout ce qui doit l’être, une table en bois avec trois chaises tendues de cuir rouge, une serviette fuchsia, une nappe avec de grandes feuilles vertes, des figures de tigres avec la gueule ouverte, je marche jusqu’à la fenêtre, je la regarde et je me retrouve face à un mur, du sommet duquel jaillit une cascade de papillons.
Rue Potosi. Un vélo arrive devant la porte d’entrée d’une maison, un reflet, une jolie fille aux cheveux bouclés, l’enfourche et s’en va.
Rue Jufré. Une maison à la montagne, une montagne sur une fine aiguille argentée et brillante ; un reflet, dans le chas de l’aiguille, un homme assis se balance en chantant une chanson.
À l’intérieur de la maison, il y a un lit, une table de chevet, une table, trois chaises en bois, un fauteuil rouge, un tapis jaune avec des franges blanches, un plancher et un plafond de bois, une cuisine, une casserole, trois verres, quatre assiettes, deux fourchettes, un couteau, une louche, une cuillère, une râpe, une salière, plusieurs serviettes, une nappe, des livres, je ne sais pas combien de papiers, de crayons, trois fenêtres, une échelle, une théière, deux tasses, du sucre versé sur la table, une salle de bain avec la porte fermée, des toilettes, un tout petit lavabo, une serviette, un miroir, un savon, une baignoire, un rideau en plastique, une serviette fuchsia, un tapis bleu clair, une étagère, un reflet, une horloge avec un vélo qui fait tourner ses roues au fil des minutes.
Sur le sol, un fil, une aiguille fine, brillante et argentée, dans le trou de l’aiguille, un homme assis dans un hamac qui chante une chanson, un reflet, un coup, une forte pluie, la maison fond sur la montagne, la montagne fond sur l’aiguille, l’aiguille fond sur le petit homme qui chante, un reflet de plus.
Rue Alvear. Un lit, une grande chambre, de longues fenêtres sans rideaux, pour moi qui ai tant de mal à dormir avec la lumière, un tapis couvert de tigres grimpant à un arbre, des papillons, des plantes aux immenses feuilles vertes, de l’eau, je m’allonge sur le lit et je ferme les yeux, l’eau commence à bouger, les papillons volent d’un endroit à l’autre, les plantes bougent et les tigres marchent, se mouillent, s’éclaboussent, ils bougent leurs babines, leurs moustaches, leurs oreilles, ils montent et descendent, se couchent avec moi et s’endorment, ils rêvent de moi, je marche avec eux parmi les feuilles, en marchant je me trempe les pieds, en montant et en descendant, je me couche et je vois voler les papillons, j’essaie de les toucher, je vois leurs moustaches monter et descendre, leurs oreilles, leurs bouches, leurs dents, leurs rayures, je les caresse, ils me regardent, je chuchote, je ferme les yeux et j’écoute attentive, l’endroit où je suis, comment est-il ?
Un tout petit appartement, un lit avec un dessus de lit violet, un couteau qui coupe cette scène en deux.
Une chambre, un lit bleu, des lumières de Noël appuyées sur le dessus de lit, le parquet peint en blanc, de lourds rideaux de velours vert avec des feuilles et des lettres brodées, cachent un salon ; là une théière géante crache de la fumée comme une locomotive, d’énormes tasses cachent des personnes endormies, un comptoir avec une vitrine, des tableaux d’animaux, lions, tigres, flamants roses, canards, chèvres, moutons, nandous, dindes, poule.
Rue Remanso. Derrière le comptoir, une porte fermée, je l’ouvre et j’entre, je cours et me cache derrière les rideaux qui deviennent de longs couloirs, je monte et je descends les escaliers, j’entends des murmures, je les suis, je marche lentement dans un couloir baigné d’une lumière faible, J’arrive à nouveau derrière les rideaux et je trouve une fenêtre, je l’ouvre, je me mouille, il pleut, j’écoute, les voitures qui passent, des voitures très très vieilles, des gens qui marchent sous des parapluies, il y a de grandes flaques, les gens qui les esquivent, des gens qui s’éclaboussent, le vent. Il pleut plus fort, je ferme la fenêtre, je tire les rideaux, je marche derrière le comptoir, les tasses sont encore pleines de gens endormis, la bouilloire est encore en train de chauffer, crachant toujours plus de fumée, comme une locomotive, un coup de tonnerre, je m’approche d’un tiroir derrière le comptoir, je trouve une clé, j’ouvre la porte là et je sors.
Illustrations – © Laura Bodenez
Texto en español
Malabia. Todo se hizo más pesado, sentarse en una silla era una tarea que podía tomar días, semanas, meses, años.
Una señora camina desde la cocina, hacia la mesa del living, una taza de té, azúcar, servilletas, revuelve, apoya la cuchara sobre la mesa de madera, se escucha con mayor profundidad y eco el golpe, seco sobre la mesa.
La señora se siente pesada, se hunde en la silla, se hunde tanto que las patas se quiebran, ella se hunde tanto que se achicharra, apelmaza, se funde con la silla, se cae al piso y se quiebra en varios pedazos que se caen más, y se vuelven a quebrar en más pedazos, que se pulverizan y se vuelan por la ventana que está abierta. Llueve.
Aguirre. El reloj dejó de funcionar como hasta ese momento, parecía caprichosa la manera de contar el tiempo, no entendía bien cómo pasaba ni porqué estábamos todos sumergidos en esa forma de contar. Un living, un sillón cama de cuerina rojo, una ventana, un balcón, cortinas con letras y hojas bordadas, una alfombra verde con tigres con la boca abierta y mariposas volando.
A veces, escuchábamos a la noche como pasaba el camión de la basura y de golpe, dejábamos de escucharlo porque el tiempo volvía para atrás y nos pasaba otra cosa anterior, no podíamos concentrarnos en lo que hacíamos, en un momento, no recuerdo cuál, miré por la ventana y era de día y llovía, como me gustaba mucho la lluvia, caminé rápido hasta el balcón, deseando que no se modifique el paso del tiempo, para poder mojarme; vi gente caminando por la calle con paraguas, charquitos, las plantas húmedas con gotas, el viento, los truenos, relámpagos, los edificios de enfrente,vecinos mirando hacia afuera, los colectivos, taxis, autos, el cielo gris, negro, miré hacia la esquina y la calle que bajaba.
Dejó de llover, sopló el viento, las cortinas se volaron y aparecí sobre la alfombra chorreando agua, haciendo charcos, entre los muchos tigres, mariposas y plantas del dibujo.
Frías. Detrás de las cortinas hay olas, una ventana chiquita, un reloj cucú, una bata turquesa en un cuarto desordenado en donde caminás sobre cosas, ya no se ve el piso, un mueble grande de color marrón con las puertas cerradas, ahí todo está escondido entre todo lo que está ahí, un mesa de madera con tres sillas tapizadas de cuerina roja, una toalla fucsia, un mantel con hojas verdes grandes, figuras de tigres con la boca abierta, camino hacia la ventana, miro parada ahí de frente y veo un pared, por encima una cascada de mariposas cae hasta mí.
Potosí. Una bicicleta llega hasta la puerta de entrada de una casa, un reflejo, una nena hermosa de rulos, se sube y anda.
Jufré. Una casa en una montaña, una montaña sobre una aguja finita y reluciente, plateada; un reflejo, dentro del agujerito de la aguja un hombre sentado se hamaca cantando una canción.
Dentro de la casa hay una cama, una mesita de luz, una mesa, tres sillas de madera, un sillón rojo, una alfombra amarilla con flecos blancos, piso y techo de madera, una cocina, una cacerola, tres copas, cuatro platos, dos tenedores, un cuchillo, un cucharón, una cuchara, un rallador, un salero, varias servilletas,un mantel, libros, no sé cuántos papeles, lápices, tres ventanas, una escalera, una tetera, dos tazas, azúcar volcada en la mesa, un baño con la puerta cerrada, un inodoro,una pileta muy chiquita, una toalla, un espejo, un jabón, una bañadera,
una cortina de plástico, un toallón fucsia, una alfombrita celeste, un estante, un reflejo,una reloj con una bicicleta que mueve sus ruedas con el paso de los minutos.
Sobre el piso, un hilo,una aguja finita y reluciente, plateada, dentro del agujerito de la aguja un hombre sentado se hamaca cantando una canción, un reflejo, un golpe, una lluvia fuerte, la casa se derrite sobre la montaña, la montaña se derrite sobre la aguja, la aguja se derrite sobre el hombrecito cantor, un reflejo más.
Alvear.Una cama, un cuarto grande, ventanas largas sin cortinas y a mí que me cuesta tanto dormir con luz, un acolchado de tigres que trepan un árbol, mariposas, plantas de hojas grandes y verdes, agua, me acuesto en la cama y cierro los ojos, el agua comienza a moverse, las mariposas vuelan de un lugar a otro, las plantas se mueven y los tigres pasean, se mojan, salpican, mueven sus labios, bigotes, orejas, suben y bajan, se acuestan y duermen, sueñan conmigo, camino con ellos entre las hojas, pisando y mojándome los pies con el agua, subiendo y bajando, me acuesto y veo volar las mariposas, intento tocarlas, veo sus bigotes que suben y bajan, sus orejas, sus bocas, dientes, rayas, los acaricio, me miran, susurro, cierro los ojos y escucho atenta como es el lugar en dónde estoy, ¿Cómo es?
Un departamento muy chico, una cama con un acolchado de color violeta, un cuchillo que corta por la mitad esta escena.
Un cuarto, una cama azul, luces de navidad están apoyadas sobre el acolchado, el piso de madera pintado de blanco, unas cortinas de terciopelo verde, pesadas, con hojas y letras bordadas, esconden un salón; ahí una tetera gigante tira humo como una locomotora, tazas enormes esconden gente dormida, un mostrador con una vitrina de vidrio, cuadros de animales, leones, tigres, flamencos, patos, cabras, ovejas, ñandúes, pavos, una gallina.
Remanso. Detrás del mostrador, una puerta cerrada, la abro y entro, corro y me escondo detrás de las cortinas que se hacen pasillos largos, subo y bajo escaleras, escucho gente murmurar, voy hacia ahí, camino despacio por un pasillo con bastante poca luz, llego nuevamente detrás de las cortinas y encuentro una ventana, la abro, me mojo, llueve, escucho, autos que pasan, autos viejos muy muy viejos, gente caminando con paraguas, hay grandes charcos, la gente los esquiva, la gente que se salpica, el viento. Llueve más fuerte,cierro la ventana, corro las cortinas,camino hacia detrás del mostrador, las tazas siguen llenas de gente dormida, la tetera sigue calentándose, largando más humo, como una locomotora, un trueno, voy hasta un cajón que hay detrás de mostrador, encuentro una llave, abro la puerta que está ahí y salgo.