© Julien Pitinome – Collectif OEIL
Traversées poétiques
Lignes de fuite
par Malice et Louise
À toi contestataire,
On laissera des poèmes sur les murs
Qu’un agent d’entretien effacera.
Graffiti interdits
Expression libre
De la temporalité de l’Etat
Alors on les écrira sur les trottoirs. Mamie mourra de trop les voir,
Les poèmes libertaires.
Il n’y a pas de monde d’après
Libéré de leurs vanités
Libertés à terre
Il n’y a que nos imaginaires
Puissances incontrôlées.
Il faudra leur dire qu’ils ont fait le mauvais choix en
brisant leur tirelire.
Ils ont détruit la dernière chose capable de contenir leur folie.
Dehors le monde s’effleure
Libéré de ses fossoyeurs
Le vent souffle
Son ardeur devrait les faire vaciller. Ils s’époumonent à parler de
Progrès.
Moi je pense qu’on gagnerait tous à
regarder les mouches voler
les bourgeons bourgeonner,
la pierre
s’effriter.
Il faudra leur dire que tout redevient poussière.
Les fleurs sont partout
On les cueille en les abandonnant
Quelques mètres plus loin
Cueillette sauvage vite délaissée
Ne peut-on pas laisser les fleurs
Enracinées ?
Quand les tarmacs deviendront de grands parcs. Quand il faudra que leurs sbires protègent la Défense. Quand nos rues seront nues et que les petits se révolteront de repaver. Quand les chiens seuls, prendront le métro et que les grandes enseignes auront fermé de trop se faire piller. Quand on saura tous couper du bois pour se chauffer, avec trois fils acheminer la lumière ou tout faire péter. Nous n’aurons plus besoin de barricades.
On n’est pas en guerre non
On s’ra pas soldat·e, chair à virus de l’Etat
On s’ra guérilla
Dans l’noir j’ai des yeux d’chat
Nos mères relèveront la têtes, nos faibles seront des tribuns et eux,
seront minuscules.
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Je me suis assise où la police
Ne passera pas
Il était midi, les cloches de l’église St Brice
Ont sonné deux fois
*******
Ils veulent nous détruire. « Ah mais tout ça, ce n’est que pour vous endurcir ».
Jamais vu, moi, quelqu’un marcher décemment après qu’on lui a fracassé les tibias. D’ailleurs le dos voûté ne donne pas l’allure princière. C’est leur jugement. Enclume sur la nuque, il fait courber l’échine.
Alors…
Alors même s’ils ne voulaient plus ?
Ca fait combien de temps que seuls leurs dos regardent le ciel ? Combien de temps qu’avec leurs gueules de derniers de cordées, ils regardent la boue recouvrir leurs chaussures ?
Dos voûtés Atlas
Soutiennent leur monde
Leur profits dégueulasses
Creusent leurs tombes
Pour eux, il fait beau quand le sol est sec et que la terre craquelle. Moi j’suis sûre qu’on a inventé le béton pour que personne n’ait plus cette dignité.
“Mise en bière immédiate” ont-ils dit
Morts désincarnées numéros
Retournées au transpalette
Dans un hangar bétonné d’Rungis
Seule nos nuques à offrir pour cramer en été.
Bronzage prolétaire
Lignes de fuite
Le monde d’après sera pire
Lignes de fuites
Comme des étoiles filantes
Traînées blanches sur surface vide
Silence on confine
On cachera pas nos colères sous des masque s
Parce qu’on croit aux visages
A leur impulsion à leurs influx paysages
Quand j’t’arrache un sourire
J’te démasque
Silence on réanime
Excusez-moi j’manque d’air
Je m’étouffe dans le vide
Comme un cosmonaute en perdition
En liberté sous conditions
Défense permanente
Un pied dehors un pied dedans
Légèreté impossible à prendre
Dans l’absurdité étouffante
On essaye de trouver notre place
Origamis plié·e·s en quatre pour une p’tite boîte
Enfermé·e·s nasse place de la République
Fouler le macadam j’me tire
Lignes de fuites
Le monde d’après s’ra pire
Lignes de fuites
Comme des étoiles filantes
Traînées blanches sur surfaces vides
Un jour faudra qu’on pense à partir
Si on réussit pas à éviter l’pire
En attendant on sèche nos larmes
On affûte les armes.