© Flora Beillouin
EX VOTO
Estofado
de Ramsel Garréz
Le jour où ma grand-mère July est décédée fut un jour étrange. À l’époque, je vivais avec mon père, à l’endroit où se terre le serpent. Au début, quand j’ai emménagé avec mon père, nous nous rendions dans notre ville natale tous les week-ends, puis ce ne fut plus qu’une fois par mois, puis peu à peu, presque plus. Nous y retournions pour passer un moment en famille.
Je me souviens que quand j’étais petit, le dimanche, nous nous réunissions pour manger dans la maison de ma grand-mère July. Je m’en souviens très bien car tous mes oncles et mes cousins étaient là. Je me rappelle aussi qu’à cette époque, lorsque j’habitais encore à l’endroit où se terre le serpent, j’avais l’impression que la terre m’avait avalé puis recraché là. Je suis parti sans dire adieu à ma ville natale et je n’ai pas gardé contact avec qui que ce soit. Mais lorsque j’y retournais, je couvrais aussitôt ma fille de baisers, mon petit monstre, et, avec ma grand-mère, j’essayais de rattraper le temps perdu depuis qu’on était séparés.
Je me souviens de ces visites à ma mamie. Elle a avait décidé d’installer une petite épicerie dans sa maison pour pouvoir travailler, car elle était devenue diabétique à cause du sucre. Quand elle ne pouvait pas faire ce qu’elle aimait vraiment, son seul remède était de s’affairer autour de sa cuisine bon marché.
– Mamie, où as-tu appris à cuisiner comme ça ? C’est ta mère qui t’a appris ?
– Non, mon petit.
– Alors comment as-tu appris ?
–Après avoir viré ton salaud de grand-père de la maison, j’ai essayé de nombreux restaurants et j’y ai déchiffré seule les ingrédients des plats.
Sa démarche pour apprendre à cuisiner m’a quelque peu surpris. Ce qui m’a particulièrement laissé songeur, c’est la manière dont elle s’y était pris et le temps qu’elle avait dû y consacrer. Et même si je n’ai pas son super pouvoir, l’essence de sa cuisine transparaît aujourd’hui dans la mienne.
Je n’ai pas eu le temps de lui faire part de tous mes interrogations sur les zones d’ombre de sa vie. Elles resteront désormais en suspens jusqu’à la fin de mes jours. Mais nous avons eu le temps de nous dire combien nous nous manquions lorsque que nous n’étions pas ensemble.
J’adore cuisiner mais, plus que tout, j’aime manger et ma grand-mère le savait. Comme elle savait pertinemment que l’« estofado », qu’elle préparait, était mon plat préféré. Elle avait également le don de savoir démontrer son affection en adaptant son langage à la personne à laquelle elle s’adressait. Elle me prenait souvent dans ses bras et me préparait des « estofados » dès qu’elle le pouvait. Même si dans la semaine, je découvrais que j’allais lui rendre visite le dimanche et qu’elle avait programmé l’« estofado » le vendredi, elle se débrouillait pour m’en mettre un peu de côté.
La vocation de ma grand-mère July était la cuisine. Tout ce qu’elle préparait était délicieux, et je ne le dis pas juste pour le plaisir. Mais parce que nous tous, ses convives, famille et amis, nous l’avons éprouvé dans notre chair, sur nos palais. Son don était tel que lorsque ses camarades lui donnaient des ingrédients sans grande saveur, ma grand-mère savait comment les préparer, les assaisonner.
Je me souviens d’un dîner de Noël, je ne sais plus quelle année. Au cours de ce dîner, nous avons mangé délicieusement bien, évidemment puisque ma grand-mère July s’était mis aux fourneaux. Nous goûtions tous la joie d’être ensemble, lorsque tout à coup, ma grand-mère s’est levée et a déclaré :
– C’est mon dernier dîner de Noël avec vous.
Des larmes se mirent à dévaler ses joues, ruisseler dans le plat, le rendant encore plus doux. Mes oncle l’ont enjointe de ne pas dire ce genre choses. Je me suis mis a pleurer aussi. Pendant tout le reste du dîner, de temps en temps je me tournais vers elle, elle se tournait vers moi et me souriait.
Des mois plus tard, mon anniversaire approchait. Et ma mamie, quelques semaines plus tôt, avait fait un séjour à l’hôpital, comme cela lui arrivait de temps en temps pour son diabète. En temps normal, elle y restait un jour ou deux puis rentrait chez elle. Mais cette fois, l’hospitalisation a duré plus longtemps, si longtemps que je suis allée la voir à l’hôpital. Comme il est difficile de se montrer réconfortant dans des moments pareils. Ma grand-mère m’a dit qu’elle ferait en sorte d’aller mieux pour que nous puissions célébrer ensemble mon anniversaire.
– Tout va s’arranger, mamie.
Qu’est-ce que ça veut dire « aller bien » ? Qu’est-ce ça veut dire « aller mal » ?
Mon anniversaire est arrivé et c’était très dur de le passer sans ma grand-mère July, si bien que je ne me souviens même pas l’avoir célébré. Les semaines s’écoulaient et ma grand-mère était toujours à l’hôpital. Puis le mois suivant est arrivé, tout s’est compliqué. Tant et si bien que mes tantes ont appelé mon père et que nous sommes partis en urgence pour notre ville natale. Pendant que nous faisions la route, ma grand-mère July a demandé à appeler mon père. Comme on lui avait posé une sonde trachéale, nous ne comprîmes jamais ce qu’elle avait voulu nous dire.
Ce jour-là, avant que nous puissions y arriver, ma grand-mère est morte. Il y avait foule à la veillée, c’était impossible de ne pas l’aimer. C’est l’une des rares fois où j’ai vu mon père pleurer. Parfois je pleure encore. Je n’avais jamais pensé que ma grand-mère July quitte un jour ce monde que nous appelons « réel », comme si le temps que je pouvais passer avec elle n’était pas compté.
Il y a eu une nuit après sa mort où j’ai rêvé d’elle. Nous nous serrions très fort, elle me couvrait de baisers et disait :
– Viens avec moi, mon petit, j’ai quelque chose à t’apprendre.
Nous allions au marché qui se trouve quelque part dans le monde des rêves, et nous choisissions des tomates, des graines et des herbes aromatiques. Nous préparions certains ingrédients avant de nous rendre au moulin. C’est ainsi que nous obtenions le meilleur résultat. Puis nous les rapportions, une fois moulus, dans une maison similaire à celle de ma grand-mère dans le monde réel où nous finissons de préparer le fameux « estofado ». Nous le mangions et nous parlions aussi longtemps que possible. Je la serrais très fort contre moi, et cette fois, nous avons pu nous dire au revoir.
C’est vrai ce qu’on dit de nous, les Mexicains, que nous ajoutons toutes sortes de condiments à ce que nous cuisinons jusqu’à ce que nos ancêtres nous disent :
– C’est bon, mon petit.
Dans le rêve, ma grand-mère July me disait de remercier Dieu et le Saint qui nous avaient aidés à nous retrouver dans ce rêve.
Je remercie donc Dieu et San Pascual Bailón pour nous avoir permis, à ma grand-mère July et à moi, de nous voir dans ce rêve… Et pour m’avoir appris à préparer ce délicieux « estofado ».
versión en español
« Estofado » por Ramsel Garréz
El día que mi abuelita July murió fue un día extraño. En aquel entonces vivía con mi padre, en el lugar donde se esconde la serpiente. Cuando recién me mudé con mi padre, viajábamos a nuestra ciudad natal cada fin de semana, después cada mes, pero llegó el momento en el que casi no viajábamos allá. El motivo del viaje era estar con la familia.
Recuerdo que cuando era pequeño los domingos nos reuníamos en casa de mi abuelita July a comer. Lo recuerdo con mucho cariño porque estaban todos mis tíos y todos mis primos. También recuerdo que en aquella época, de cuando vivía en el lugar donde se esconde la serpiente, fue como si me tragara la tierra y me votará ahí. No me despedí, ni me comuniqué con nadie de mi lugar natal. Pero cuando regresaba, no perdía el tiempo, a mi monstruita la llenaba de besos y con mi abuelita trataba de recuperar el tiempo perdido, de cuando no pudimos estar juntos.
Recuerdo las visitas a mi abuelita. Ella decidió poner una miscelánea pequeña en su casa, porque se enfermo del azúcar. Esa fue su solución al no poder hacer lo que realmente le gustaba, que era atender su cocina económica.
–¿Cómo aprendió a cocinar tan rico abuelita, su mamá le enseñó?
–No, mijito.
–¿Entonces cómo aprendió?
–Después de sacar al cabrón de tu abuelo de mi casa, me fui a comer a muchos lugares y solita descifré los ingredientes de las comidas.
Me sorprendí bastante cuando me contó su manera de aprender a cocinar, sobre todo, porque me hizo pensar mucho en cómo y cuánto tiempo le habrá tomado. Y aunque yo no tengo aquel súper poder, algo de su cocina está en la mía. El tiempo no nos alcanzó para que pudiera preguntarle todas las dudas que tendré hasta el final de mis días, sobre su vida. Pero nos alcanzó para decirnos lo mucho que nos extrañamos mientras no estuvimos juntos.
A mí me encanta cocinar, pero me gusta más comer y mi abuelita lo sabía. Como también sabía que el estofado, que ella preparaba, era mi platillo favorito. También sabía demostrar su afecto, según el lenguaje con el que cada quien lo recibe. A mí me abrazaba mucho y me preparaba estofado muy seguido. Incluso, si en la semana se enteraba que el domingo iba a visitarla y el viernes tenía planeado hacer estofado, me guardaba un poco.
La vocación de mi abuelita July era cocinar, todo lo que preparaba era delicioso, y no lo digo sólo por decirlo. Sino porque todos sus comensales, familiares y amigos, lo comprobamos en nuestros paladares. Su habilidad era tal, que cuando sus comadres le regalaban alguna comida que no tenía un muy buen sabor, mi abuelita sabía que hacer para componer la comida.
Recuerdo una cena de navidad, pero no recuerdo el año. En aquella cena comimos delicioso, obviamente, mi abuelita July cocinó. Todos estábamos disfrutando de la compañía de todos, de repente, mi abuelita se paró y nos dijo :
–Esta es mi última cena de navidad con ustedes.
Sus lagrimas corrieron por sus mejillas, cayeron en la cena y se volvió todo aún mas dulce. Mis tíos le dijeron que no dijera esas cosas. Yo lloré también. Durante el resto de la cena, de vez en cuando volteaba a verla, ella volteaba y me sonreía.
Meses después mi cumpleaños se acercaba. Y mi abuelita, semanas antes fue a dar al hospital, como a veces le pasaba por su azúcar. Normalmente estaba ahí uno o dos días y regresaba a casa. Pero esta vez le tomó más tiempo, tanto, que fui a verla al hospital. Qué difícil es para mí saber qué decir en momentos como esos. Mi abuelita me dijo que ya se iba a poner bien para que celebráramos mi cumpleaños.
–Todo va a estar bien, abuelita.
¿Qué es estar bien? ¿Qué es estar mal?
Pasó mi cumpleaños y fue tan duro estar sin mi abuelita July, que ni siquiera recuerdo si festejé algo. Pasaron más semanas y mi abuelita seguía en el hospital. Luego llegó el mes siguiente, todo se complicó. Tanto, que mis tías llamaron a mi padre y salimos rumbo a nuestra ciudad natal. En la carretera mi abuelita July pidió llamar a mi papá. Tenía una sonda traqueal, nunca sabremos lo que dijo. Aquel día antes de que pudiéramos llegar, mi abuela murió. En su velorio llegó demasiada gente, era imposible no amar a alguien como ella. Fue una de las pocas veces que he visto llorar a mi padre. Yo a veces sigo llorando. Nunca pensé en el día en que mi abuelita July se iría de este mundo al que llamamos real, por eso creí que tenía más tiempo para estar con ella.
Hubo una noche, después de su muerte, que soñé con ella. Nos abrazamos muy fuerte, me llenó de besos y me dijo :
– Acompáñame, mijito, tengo algo que enseñarte.
Fuimos al mercado que existe en el mundo onírico, escogimos tomates, semillas y hiervas. Cocinamos algunos de los ingredientes para después ir al molino. Así se obtiene el mejor resultado. Regresamos con los ingredientes, ya molidos, a una casa similar a la que tiene mi abuelita en el mundo real. Donde terminamos de preparar su famoso estofado. Comimos y platicamos todo el tiempo que pudimos. La abracé muy fuerte, esta vez, pudimos despedirnos.
Es verdad eso que dicen, nosotros los mexicanos le echamos condimentos a lo que cocinamos hasta que nuestros ancestros nos dicen :
– Ya, mijitx.
En el sueño, mi abuelita July me dijo que le diera gracias a Dios y al santo que nos ayudó a hacer posible poder vernos en aquel sueño.
Muchas gracias a Dios y a San Pascual Bailón. Por permitir que mi abuelita July y yo, nos pudiéramos ver en un sueño. ¡Y que me enseñara a preparar su delicioso estofado!