EX VOTO
En avant pour la bataille !
par Eric Frotté
© Sophie Bourlet
EN AVANT POUR LA BATAILLE !
Il y a des jours qui ont l’éternité.
Il y a des jours qui s’rebiffent, parlent autrement, dissonent.
Il y a des jours de colère ébouriffée, festive.
Il y a des jours sans arrangements aux injonctions trompeuses.
Il y a des jours aux yeux effervescents.
Il y a des jours pour rompre la fatalité des territoires en ordre à l’usure du Monde.
Il y a des jours d’étreintes à l’existence, dans des convergences voluptueuses.
Il y a des jours de reversement, ou des îles incandescentes larguent les amarres pour ensemencer des abîmes en flammes.
Il y a des jours où le désir nu de vivre vivant, chuchote sur un fil dans l’impétueux du vent.
Il y a des jours d’affranchissement aux vies usées, à la servitude des corps exténués.
Il y a des jours pour sortir du rang du côté des vivants, rendre visible l’aveuglement.
Il y a des jours pas servile aux prédateurs, pas servile aux serial pollueurs.
Il y a des jours pour déranger l’ordre établi de la fête.
Il y a des jours pour être riche de ce que l’on peut se passer.
Il y a des jours, dans la douleur des mers aux aubes malades où, sur des plages blondes, s’échouent des corps d’enfants.
Il y a des jours pour ramasser sa vie.
Il y a des jours sans altérité, des jours de cruauté, de cécité, d’inhospitalité, de peaux déchiquetées dans des barbelés.
Il y a des jours où des fièvres d’images gangrènent en boucles nos cerveaux et nos yeux sans larmes.
Il y a des jours où l’écume du spectacle dissimule à peine, l’ampleur de la putréfaction des maîtres.
Il y a des jours où le troupeau oublie qu’il peut décider par lui même de son devenir.
Il y a des jours où hurle la farandole funèbre des corps invisibles des migrants, des fantômes qui errent au fond des océans.
Il y a des jours pour s’absenter du cadre, échapper à la surveillance, à la soumission.
Il y a des jours au potager où des tomates se gonflent d’amour, des haricots magiques s’élèvent.
Il y a des jours dans des jardins mélodieux, des jours où le temps s’éternise.
Il y a des jours où la terre d’un automne doux se couvre de mythologies invisibles.
Il y a des jours où dans nos mains, sur la peau brûlée du Monde, dans nos corps, sur la terre chauve, nous écrivons en lumière nos rêves.
Il y a des jours – salut Léo – où ma vieille copine la Terre est fatiguée comme un oiseau blessé, où ma vieille copine la Terre peine à charrier des continents d’misères.
Il y a des jours sororité, des jours transgenrité, des jours fraternité avec ces mômes solaires.
Il y a des jours d’odyssée ciselée liberté.
Il y a des jours de labour aux labeurs partagés.
Il y a des jours feuilles, des jours racines, des jours fleurs, des jours fruits et graines envolées.
Il y a des jours insoumis, nippés de fringues taillées aux nuages, des jours qui sont déjà demain.
Et Demain Est Ici. Je ne me dérobe pas, je fais partie du voyage de ces vies gourmandes de liberté.
En avant pour la gigue.
EN AVANT POUR LA BATAILLE !